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Mettre en place un rituel d’adieu est nécessaire pour garder notre humanité

D 20 avril 2020    


20 avril - J’ai cosigné ce texte avec de nombreuses autres personnes de la société civile, associative, politique pour que personne n’oublie la nécessité du deuil dans n’importe quelle circonstance.

TRIBUNE
Covid-19 : mettre en place un rituel d’adieu

Face à l’impossibilité de se rendre au chevet des patients dont le pronostic vital est engagé, un collectif de personnalités civiles appelle le gouvernement à imaginer des espaces pour dire au revoir à ses proches.

Tribune. Nous sommes inquiets pour nos proches, pour l’avenir, pour nous-mêmes. Nous sommes des citoyennes et des citoyens ordinaires, de diverses professions, de différentes régions. Nous savons les personnels hospitaliers surchargés. Nous savons l’urgence par laquelle sont acculé·es les professionnel·les de santé et les aidant·es. Nous les remercions grandement de leur courage. Nous sommes également certain·es de leur désarroi face à la mort, à la douleur d’autrui. Il va de soi que nous comprenons la nécessité de protéger les soignants et nous-mêmes, et nous comprenons les mesures de restriction des visites.

La visite aux proches gravement souffrants est un besoin vital. Privés de ce droit élémentaire, de nombreuses familles, des conjoint·es, vivent le même traumatisme. Aujourd’hui, c’est l’ensemble des patient·es, dont certain·es sont jeunes, parents, en phase aiguë ou terminale, qui ne peuvent être accompagné·es dignement à l’aube de leur mort. Nous sommes horrifié·es à l’idée que des personnes n’aient pu dire adieu à leurs proches ou lorsque nous apprenons que les ancien·nes décèdent seul·es dans les Ehpad, dans les hôpitaux, loin de leurs enfants, de leurs petits-enfants. L’idée ne pas revoir des personnes chères, qu’elles soient souffrantes ou agonisantes, est terriblement anxiogène. Nous imaginons la terrible angoisse de celle ou de celui qui meurt séparé·e de ses proches.

Les cérémonies de deuil, les adieux aux agonisant·es, les rituels funéraires existent dans toutes les cultures humaines. Dans les réponses gouvernementales à cette pandémie, ces rites, ces moments fondamentaux ne sont pas respectés. Le « protocole funéraire » qui s’y substitue aujourd’hui laissera des traces, des blessures profondes qui perdureront. Le gouvernement emploie le terme « résilience » pour qualifier le programme de lutte contre l’épidémie. N’oublions pas la signification de ce mot. Aucune épreuve ne devrait nous mener à résilier notre humanité.

Il est urgent d’imaginer, de permettre et de mettre en pratique un rituel d’adieu adapté à cette situation. Inventons des salles d’adieu accolées aux hôpitaux, aux Ehpad, aux établissements spécialisés. Des parloirs d’adieux. Imaginons des espaces sécurisés où, protégé·e par des tenues adéquates, chacun·e peut se tenir, même un court instant, au chevet d’un être aimé. Nous sommes beaucoup à vivre loin de nos régions, de nos pays de naissance, pour les études ou pour des motifs professionnels. Rares sont celles et ceux qui vivent dans la même ville, la même région que leurs parents, leurs grands-parents, leurs sœurs et leurs frères.

Nous voulons cette dérogation fondamentale, celle qui doit permettre de se rendre au chevet de ses proches lorsque leur pronostic vital est engagé, y compris dans le cas où il est nécessaire de rejoindre une autre région. Le déclin est rapide, il faut certes des réponses adaptées au danger de la contagion : comme l’a dit le président de la République lundi, nous demandons au gouvernement de permettre l’organisation de ces moments d’adieu. Nous demandons l’autorisation qu’au moins l’un des membres de la famille, une personne de confiance désignée par les proches, puisse se rendre une dernière fois au chevet du malade.

Nous demandons au gouvernement de fournir les moyens numériques pour que chaque patient puisse recevoir des appels et que les malades et accompagnants puissent communiquer. Nous demandons à ces grandes entreprises du numérique ou de la téléphonie de mettre à disposition ces moyens simples, des tablettes, des smartphones. Nous avons besoin de transmettre des signes de vie, des signes d’amour et d’empathie. Nous savons que la mise en place de telles mesures est envisageable, et nous vous demandons de faire le nécessaire. N’ajoutons pas des protocoles traumatisants au deuil collectif. Cette crise sans précédent doit nous permettre de modifier nos priorités, dans l’urgence et pour l’humain. La résistance exige la dignité.

Signataires :
Nadège Abomangoli vice-présidente du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, Marine Bachelot Nguyen autrice et metteuse en scène, Gwenaëlle Baamara créatrice, enseignante, Marie-Pierre Bésenger metteuse en scène, Marine Bruneau formatrice, Sabine Camerin fille d’Andrée Camerin, directrice d’événements culturels, Pierre Carrive comédien, Elena Chamorro enseignante, activiste, Valérie Châtain autrice, Briac Chauvel formateur, Nathalie Cordiez-Garouche cheffe de service Vie associative, ville d’Elbeuf (Seine-Maritime), Penda Diouf autrice, bibliothécaire, Eva Doumbia autrice et metteuse en scène, Marie-Claire Doumbia retraitée de l’Education nationale, élue communiste de Gonfreville-l’Orcher (Seine-Maritime), Lionel Elian musicien, Karima El Kharraze autrice, metteuse en scène, Véronique Essaka-De Kerpel metteure en scène, autrice, Sabrina Fuchs administratrice et consultante, Erőss Gábor sociologue, Samuel Gallet écrivain, metteur en scène, Mohamed Guellati metteur en scène, Dominique Grador première adjointe au maire de Tulle (Corrèze), Marie-Noelle Guy infirmière, IAM groupe de rap, Séverine Kodjo-Grandvaux philosophe, Fabienne Layani travailleuse sociale, Jean-Paul Lecoq député communiste de Seine-Maritime, Philippe Maddaleno médecin hospitalier, chef des services de soins palliatifs et d’hospitalisation à domicile au Centre hospitalier de Tulle (Corrèze), Christine Mathieu mère au foyer et militante, Marie Merckx retraitée, responsable du service social en faveur des élèves à l’inspection académique de Limoges, Myriam Mihindou, artiste ; Marie-Rose Moro professeure de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, université Paris-V-Descartes, Philippe Ponty responsable ingénierie et formation, Martine Silber journaliste, Marie Hélène Vigier metteuse en scène, Djoudé Merabet maire d’Elbeuf (Seine-Maritime), président du pôle de proximité Val de Seine.

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